Les maux de dos font partie des maladies les plus courantes. Avec le temps, si les disques intervertébraux sont trop endommagés, une simple lombalgie peut se transformer en hernie discale. Quels sont les symptômes ? Comment la soigne-t-on ? Le point avec le Dr Nicolas Barut, chirurgien orthopédiste spécialisé dans la chirurgie de la colonne vertébrale, de l’Institut Parisien du Dos.
Définition : qu’est-ce que la hernie discale lombaire ?
La colonne vertébrale est divisée en 3 zones. La lombalgie correspond à une atteinte du rachis lombaire, composé de 5 vertèbres. Au total, la colonne vertébrale en contient 24, empilées et reliées les unes aux autres par un disque intervertébral. Chacun d’eux permet à la colonne vertébrale de bouger, et joue un rôle d’amortisseur en cas de choc.
Les disques du rachis lombaire sont composés d’un noyau gélatineux en son centre et d’un anneau fibreux en périphérie. Lorsqu’ils sont endommagés, on parle de discopathie. Dans certains cas, cette pathologie peut déboucher sur une hernie discale lombaire. Il s’agit d’« une saillie du noyaux gélatineux à travers une fissure de l’anneau fibreux, qui peut venir comprimer une racine nerveuse en arrière », indique le docteur Barut, chirurgien orthopédiste spécialisé dans la chirurgie de la colonne vertébrale à Paris.
Elle survient lorsqu’un disque est déjà usé après des gestes répétés ou un choc. Résultat : il s’écrase et ne parvient plus à tenir son rôle d’amortisseur. Il finit par se fissurer et son noyau central gélatineux (le nucléus) peut migrer au sein de l’annulus (la partie du disque en périphérie), ou traverser le disque.
S’ensuit alors une lombalgie. Cela est dû à la pression qu’opère le nucléus sur l’anneau fibreux. De temps à autre, la douleur lombaire peut « irradier jusqu’à la jambe et au pied », précise le spécialiste. La hernie peut comprimer une racine nerveuse, occasionnant une douleur au membre inférieur du côté concerné. On parle alors de radiculalgie.
Les chiffres de la hernie discale lombaire
La discopathie asymptomatique
Une discopathie n’est pas toujours associée à une hernie discale, en revanche, elle en est le plus souvent à l’origine. La discopathie est une pathologie très fréquente. Toutefois, les individus ignorent parfois être touchés. « On peut avoir des discopathies asymptomatiques. Cela concerne jusqu’à 20 % de la population selon les études », souligne le docteur Barut.
La sciatique
Une discopathie qui se transforme en hernie discale peut engendrer une sciatique. Chez l’adulte jeune (20-55 ans), 95 % des sciatiques sont causées par des hernies discales lombaires. En France, chaque année, près de 30 000 cas nécessitent une chirurgie et 120 000 patients suivent un traitement médical.
Quels sont les symptômes de la hernie discale ?
Si la discopathie asymptomatique existe, celle responsable de la hernie engendre des douleurs lombaires. Une hernie discale commence le plus souvent par une lombalgie. Les hernies médianes, impliquant des douleurs des deux côtés, sont plus rares. « Le plus souvent, la douleur est latéralisée d’un côté ou un autre, la symptomatologie est unilatérale », souligne le chirurgien.
« Lorsque la hernie discale comprime une racine, cela peut entraîner une radiculalgie, une douleur dans le membre inférieur », indique le spécialiste. Selon le nerf comprimé et le disque usé, la localisation de la douleur varie. Comme l’explique notre expert, « il y a plusieurs niveaux vertébraux. En fonction de l’étage où se trouve la hernie, la douleur va suivre un trajet spécifique ».
La cruralgie
Une hernie localisée entre L1 et L4, va comprimer les racines de L1 à L4. On parle alors de cruralgie. Elle se manifeste par une douleur antérieure dans la cuisse.
La radiculalgie L5
Lorsque la racine L5 est comprimée, situé entre la quatrième et cinquième vertèbre, le patient présente une radiculalgie L5, qui se traduit par une douleur derrière la cuisse, sur le bord externe de la jambe et le dos du pied jusqu’au gros orteil le plus souvent.
La sciatique
Si la hernie comprime la racine S1, qui se trouve entre la cinquième vertèbre lombaire et la première vertèbre du sacrum (vertèbre sacrée), le patient présente « une douleur face postérieure de cuisse, face postérieure de jambe, qui peut irradier jusqu’au-dessous du pied », détaille le chirurgien.
Quelles sont les causes de la hernie discale ?
La hernie discale lombaire est le plus souvent liée à une discopathie. Si certaines discopathies sont considérées comme n’ayant pas d’étiologie, certains facteurs favorisent la dégradation du disque :
- le surpoids et l’obésité ;
- les contraintes de la vie quotidienne (le port de charges lourdes dans le cadre du travail) ;
- les gestes ou activités répétés des sportifs professionnels ;
- les chocs (traumatismes lombaires).
Le docteur Barut est formel : « si les facteurs favorisant une hernie sont multiples, il n’y a pas de cause identifiée de la discopathie entraînant une hernie discale ». De rajouter : « un jour, lorsque le disque est abîmé et n’est plus hydraté suffisamment, il peut expulser un fragment de lui-même, le plus souvent en arrière du disque », provoquant ainsi une hernie.
Schéma montrant une hernie discale lombaire avec compression du nerf
© CC – Auteur : Blausen.com staff (2014). Medical gallery of Blausen Medical 2014. WikiJournal of Medicine 1 (2). DOI:10.15347/wjm/2014.010. ISSN 2002-4436 – Licence : https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr
Hernie discale : les facteurs de risques
« Un dos souvent sollicité et régulièrement mis sous contrainte augmente le risque de développer une discopathie, et possiblement une hernie discale ». Parmi les facteurs de risque, on peut citer :
- Le port régulier de charges lourdes dans le cadre professionnel ;
- Certains sports extrêmes entraînant des chutes ;
- Les traumatismes lombaires dus à des chocs ou à des mouvements brusques.
Hernie discale : les personnes à risques
Plusieurs groupes d’individus sont particulièrement à risque.
Les sujets jeunes
La hernie discale isolée est une pathologie du sujet relativement jeune (20 à 50 ans), précise le docteur Barut. Dans certains cas, elle est liée à des pathologies dégénératives, associant plusieurs problèmes, et touche des sujets plus âgés.
Les femmes enceintes
Les femmes enceintes sont aussi plus vulnérables. « À cause de la prise de poids, les disques, surtout les derniers, sont mis sous contrainte ». Il est possible qu’une discopathie passée inaperçue auparavant, devienne douloureuse durant la grossesse, et se transforme en hernie.
Les sportifs
Les accidents liés à une pratique sportive intense peuvent aussi engendrer des hernies post-traumatiques. En fonction du sport et du mécanisme lors de l’accident, la hernie peut aussi parfois toucher la région cervicale, et entraîner des douleurs dans le cou et dans les bras.
Quelle est la durée de la hernie discale ?
La hernie discale lombaire est une pathologie qui évolue par crise. « Les patients font des poussées engendrant des douleurs. C’est un peu comme l’arthrose, on n’a pas toujours mal, mais les douleurs ressurgissent à certains moments (après un effort, port de charge…) », résume le chirurgien.
La hernie discale est-elle contagieuse ?
Il ne s’agit pas d’une maladie contagieuse.
Hernie discale : qui, quand consulter ?
Si les maux de dos perdurent plusieurs jours, il convient de consulter son médecin traitant.
Quelles sont les complications de la hernie discale ?
L’intensité de la douleur empêche parfois le patient de marcher. Il ne peut plus bouger le pied ou les orteils. Il s’agit d’une hernie discale compliquée d’un déficit neurologique. Dans les cas les plus sévères, le malade peut présenter des troubles sphinctériens : il urine et défèque sur lui sans pouvoir contrôler. Il sera alors opéré d’urgence. Dans les autres cas, l’opération n’est proposée qu’en dernière intention, déclare le docteur Barut.
Hernie discale : examens et analyses
En cas de suspicion d’une hernie discale lombaire, le médecin prescrit une IRM du rachis lombaire. « Il s’agit de l’examen de référence pour cette pathologie. Il permet d’analyser à la fois la discopathie, mais surtout de localiser la hernie, son niveau, sa latéralisation. C’est l’examen incontournable sauf s’il y a une contre-indication à l’IRM. Dans ce cas, un scanner peut suffire. »
La radiologie ne montrant que l’os, et non la hernie, « elle n’aura pas forcément un intérêt majeur. Elle peut montrer l’espace discale sans montrer le disque. On pourra éventuellement voir si le disque est pincé, mais cela ne signifie pas forcément que le patient a une hernie discale. »
En cas de doute, un électromyogramme chez un neurologue peut être effectué. Cet examen permet d’analyser le fonctionnement des nerfs et « d’infirmer de manière objective une souffrance d’une racine », souligne le docteur Barut.
Quels sont les traitements de la hernie discale ?
Le traitement médicamenteux
En premier lieu, le médecin ou rhumatologue prescrit un traitement médicamenteux. Il consiste à la prise d’antalgiques usuels, d’anti-inflammatoires ou encore de médicaments pour les douleurs neuropathiques. Le traitement médicamenteux dure au moins six semaines.
Les infiltrations
En cas d’échec thérapeutique, le patient peut avoir recours à des traitements plus invasifs comme l’infiltration. « On recommande de les faire sous contrôle radio ou scanner, afin d’être sûr de l’endroit où l’on pique », précise le spécialiste.
Hernie discale : dans quels cas faut-il opérer ?
Si toutes les mesures médicales précédemment citées ne suffisent pas à soulager le patient, une opération est alors envisagée. « Lorsque le patient continue de souffrir malgré les traitements, on peut proposer l’opération. L’intervention sera aussi recommandée si le patient est hyperalgique, même après l’administration de morphine.
A noter : L’opération est toujours réalisée en dernier recours, sauf en présence de « deux drapeaux rouges spécifiques » : les troubles sphinctériens et les déficits moteurs. « Le médecin cote le trouble. Si le score est inférieur à 3 sur 5, c’est une urgence chirurgicale », décrit le docteur Barut.
La consultation avec l’anesthésiste
L’intervention chirurgicale de la hernie discale s’effectue sous anesthésie générale. Aussi, avant l’opération, un entretien de 30 min environ est organisé avec l’anesthésiste. Cela permet au médecin d’étudier le dossier médical du malade, les éventuels antécédents cardiaques et les autres pathologies associées ou non.
Le déroulement de l’opération
Cette opération est relativement simple précise le chirurgien, même si tout acte chirurgical comporte des risques. « Il s’agit d’une chirurgie mini-invasive. L’intervention consiste en une toute petite incision », poursuit-il. Un drain est inséré parfois pour éviter un hématome et sera retiré un ou deux jours après l’opération.
« Le chirurgien opère seulement du côté de la hernie. Il s’agit d’un abord unilatéral. On désinsère les muscles pour accéder à l’os. On va retirer un tout petit peu d’os pour avoir accès à la racine qui est comprimée. Puis, on expose la hernie qui sera retirée avec une pince dédiée. Car l’objectif c’est de décomprimer la racine en retirant la hernie. En revanche, on ne touche pas au disque », souligne le docteur Barut. Le patient aura une petite cicatrice de 3 ou 4 centimètres dans le dos.
« L’opération de la hernie discale lombaire soulage immédiatement la douleur dans le membre inférieur », assure le spécialiste. Le temps de l’hospitalisation est en général de 48h. Toutefois, l’intervention peut, dans quelques cas, s’effectuer en ambulatoire. Cela nécessite cependant, « une bonne coordination en amont et en aval avec des patients avertis. Et bien évidement, ils doivent avoir un accompagnant », informe notre expert.
Les complications liées à l’opération
« Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une chirurgie sans risque, même si les complications sont très rares », indique le docteur Barut. Les infections sont plus courantes dans les chirurgies du dos. Autres risques : l’apparition d’un hématome, le risque de déficit neurologique par lésion de la racine durant l’intervention.
Comme le conseille notre expert, il convient de se faire opérer par un chirurgien qui a de l’expérience pour être guidé au mieux.
Les suites post-opératoires
A l’issue de l’intervention, l’arrêt de travail est généralement de 4 semaines. « Néanmoins, certains patients reprennent le travail beaucoup plus vite, car ils ne peuvent pas s’arrêter aussi longtemps. Cela est envisageable puisqu’une fois l’opération effectuée, le malade va beaucoup mieux. L’irradiation dans le membre inférieur a disparu. Il peut parfois ressentir une gêne au niveau de la cicatrice, mais il sera beaucoup plus valide », détaille le chirurgien.
Le suivi post-opératoire est pluridisciplinaire. En plus de l’accompagnement du médecin traitant, une visite chez le chirurgien est organisée 4 semaines après l’opération. Si la douleur s’est vraiment atténuée, on prescrit des séances de rééducation sur une durée de 1 à 3 mois. « Elles serviront au renforcement musculaire du dos et des abdominaux. C’est aussi un moyen pour éviter que la discopathie sous-jacente s’aggrave », précise le docteur Barut.
À noter : La marche participe à la rééducation du dos les semaines suivant l’opération. En revanche, durant cette période, les voyages en voiture ou les positions assises basses sont déconseillées.
Comment prévenir la hernie discale ?
Selon le docteur Barut, s’il n’est pas toujours évident de prévenir une discopathie, adopter certaines mesures d’hygiène de vie permettent de limiter les risques ». Ainsi, il faut :
- éviter de mettre trop en contrainte son dos au quotidien (port de courses trop lourdes, déménagement…).
- adopter des postures adaptées si l’on occupe un métier contraignant, impliquant des mouvements répétés, le port de charges lourdes…
De leurs côtés, les sportifs doivent veiller à toujours utiliser du matériel adapté pour ne pas se blesser. Il est également important de s’échauffer avant toute pratique sportive. Certains sports sont d’ailleurs recommandés comme :
- le renforcement musculaire ;
- la natation, notamment certaines nages comme le brasse coulée, le dos crawlé ;
- les exercices permettant de muscler le dos, comme les abdominaux, le gainage.
A l’inverse, le chirurgien conseille d’éviter tous les sports à risque de chute, qui vont mettre le dos en contrainte en permanence, les sports de contact. Enfin, « la course à pied n’est pas forcément un très bon sport pour le dos », prévient notre expert.
Hernie discale : faut-il attendre avant de consulter ?
La réponse du docteur Nicolas Barut, chirurgien spécialiste du dos :
« Certaines personnes souffrent parfois durant des semaines, voire des mois avant de consulter un spécialiste. C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à prendre les devants afin de bénéficier d’une prise en charge complémentaire et poser un diagnostic plus rapide. Les patients peuvent se tourner vers un chirurgien, un orthopédiste spécialiste du rachis, ou encore un neurochirurgien ».